Jouer en musique
05 déc. 2006Il vient toujours un moment dans la vie d’un MJ où il vient à se demander pourquoi il ne pourrait pas intégrer de la musique dans ses parties. Après tout, ils le font bien au cinéma…Mais comment s’y prendre ? C’est avec un petit article de fond que nous vous apportons des problèmes et des solutions pour vous permettre, à vous et à vos joueurs, d’enfin mettre une vraie fièvre à vos samedis soirs de jeux de rôles. Allegro, balances la zick !
« Le son qui fait POM POM POM … »
Premier point, et pas des moindres : l’utilité de la musique. C’est la première chose à trouver. Au cinéma la musique sert d’amplificateur. Vous auriez certainement trouvé certains films très bien sans leur BO, mais la musique en a fait des chefs d’œuvres. Et je tiens à souligner que l’inverse n’est pas vrai : vous aurez beau avoir une superbe musique, si le scénario ou/et la mise en scène est à chier, vous sortirez en disant : « mouais…Les musiques étaient sympas…Mais le film, quelle daube ». Il en ira de même pour vos séances : une bonne bande son ne doit pas vous empêcher d’avoir un bon scénario et de décrire correctement.
Donc posez vous réellement la question : à quoi va servir la musique dans votre scénario ? A donner du rythme, une originalité ? Une aide ? Décrire une atmosphère ? Si aucune réponse ne vous vient, c’est qu’elle ne vous est peut-être d’aucune utilité pour le moment…
Tu kiffes pas ce son ? Ok, on change de fréquence…
«Everytime, everywhere, right now, ohhh yeah... »
D’abord une question large : la musique en jdr, tout le temps ou juste pour les grandes occasions ? Bonne question, et la réponse est : tous les goûts sont dans la nature (et dans l’utilité).
En gros il y a trois écoles :
- En fond sonore : comme une BO de film omniprésente, si possible pas trop fort pour ne pas empiéter sur la partie. L’avantage est de laisser tourner, le désavantage est qu’on puisse ne plus y faire attention au bout d’un moment, au risque de ne plus laisser qu’une vague coloration en fin de partie.
- Une scène, une musique : variante plus fine de la version précédente. Avec plusieurs CDs ou une playlist, le MJ agrémente les scènes d’une atmosphère propre. Ca aide à donner un peu de profondeur sans que l’attention des joueurs soit trop monopolisée par la musique.
- Pour les grandes occasions : Cette méthode demande déjà un sens de l’organisation prononcé : préparer un morceau pour chaque temps forts du scénario (grand combat final, rencontre importante, etc), les mettre dans l’ordre de passage. C’est à la fois la méthode la plus « grandiose » et la plus difficile à mettre en place.
Ça déchire tout...Maintenant, mattes un peu c’qu’ y a sous le capot.
« Technologic... »
Alors : Cds ou gramophone ?
Gramophone, voyons, c’te question...Petite (et gentille) boutade à l’inspirateur de cet article, Fabrice Colin, romancier et collaborateur de Casus Belli et qui lui avait posé la question : CD ou cassette ? (en précisant l’arrivée du CD réinscriptible, grande nouveauté et fort peu répandu à l’époque). Aujourd’hui la question serait plutôt : CD/DVD ou PC/Portable ?
- Le DVD (ou le CD pour les platines ne lisant pas les MP3) n’a plus que très peu d’avantage, si ce n’est de permettre un meilleur son si la sono de votre salon est meilleure que la carte son de votre ordinateur portable (et a surtout un énorme avantage si vous n’avez pas du tout de PC, ce qui arrive encore aujourd’hui…Si si…).
- Le (pc) portable permet évidemment le transport de votre CD-thèque personnelle, avec des gigas et des gigas (octets) de musiques, disponibles en un seul clic de mulot. Adaptabilité, traitement direct de l’information, transportabilité…Bref, une bien belle concurrence aux CDs/DVDs, qui ne souffre que deux défauts : il faut mettre ce satané portable quelque part (et si possible pas en plein milieu de la table), et le son n’est souvent pas irréprochable au vu des petites enceintes. Mais rien ne vous empêche de transporter le disque dur de votre PC de bureau (si vous avez un disque « à tiroir ») et de le brancher sur le PC du copain chez qui vous allez, et qui a une bien meilleure qualité, ou même de mettre tous vos morceaux sur une clé USB…Bref les solutions techniques ne manquent pas, après c’est juste une question d’organisation.
T’as choisis tes platines , préparé tes mix ? Ok, vas y, envoies ta merde…t’as…3minutes…
« Everybody dance now !»
C’est ici que la chose se corsent. Car en vérité, la pratique est bien plus compliquée que la théorie. Il va vous falloir gérer à la fois une partie classique et à la fois la gestion de la bande son. Imaginez que vous rajoutez « ingénieur du son » aux nombreuses casquettes que vous portez déjà (scénariste, réalisateur, acteur(s), accessoiriste, pour n’en citer que quelques unes).
Soyons clair, l’organisation sera votre seule chance. Préparez-vous à l’avance s’il le faut à changer de piste tout en parlant, à manipuler l’engin qui vous servira à le faire, quel qu’il soit, assurez vous de maîtriser la matos sur le bout des doigts, parce qu’il n’y aura pas de deuxième prise ! Alors prenez soin de bien vous organiser à la fois dans l’espace (avoir votre matériel sous la main et prêt à l’emploi, etc) et dans le temps (durée des pistes, enchaînement de scènes, timing avec les descriptions, etc).
Si vous vous sentez assez peu sûr, faites diversion, faites les discuter entres eux (énigme, enquête, piste de réflexion), ou si la situation le permet sans casser le rythme, instaurez une pause sadwich/pipi/clope. Ca vous permettra d’effectuer votre changement en toute sérénité.
Tu crois que t’es un pro, maintenant ? Rêves, lascar …
« L’Avenir est à nous… »
- Créer des scènes en fonction de la musique : on inverse le principe. Cette musique de bal, de boite ou de je ne sais quoi vous fait vibrer ? Intégrez là de force dans votre scénario, en intégrant une scène de bal, une rencontre dans un night club, etc. Vous avez casé votre superbe morceau, et en plus l’effet de réalisme et d’immersion est total. Bien joué.
- Vous avez oublié de passer la piste 25 dans la scène des égouts ? Déjà, ne faites pas rejouer la scène pour ça, ça gâcherait le plaisir de tout le monde. Ensuite, si ça peut vous consoler, c’est que vous (et probablement vos joueurs) aviez mieux à penser. Et en général, c’est une bonne chose, ça veut dire que la partie était sufisamment intéressante pour se passer de musique.
- Dans la série des travers élémentaires mais dans lesquels on tombent tous : ne soyez pas esclave de votre musique. C’est un outil, pas une fin en soi. Par exemple, pas besoin de mettre les watts à péter les vitres. Sinon comment s’entendre et faire réellement avancer l’important : la partie ?
- Ne choisissez pas des musiques TROP connues. Les BO, même si elles sont très parlantes, le sont quelquefois trop. Imaginez votre combat final (donc forcément tendu) avec la chevauchée des Walkyries, et vos joueurs en train de chanter à tu tête en se marrant, ou votre bataille épique avec la BO du Seigneur des anneaux, et vos taquins de joueurs qui se mettraient à crier : « Vous ne passerez pas ! Pour le Gondor !!! ».Bref, ça vous fout une ambiance à l’eau vite fait…
- Il sort régulièrement des CDs (et maintenant des pistes téléchargeables) spécialement créés pour une ambiance/un jeu de rôle (Shadowrun, heroic-fantasy, Vampire, etc).Il y a du bon et du mauvais, ce sera a vous de trier, mais ça vous évitera de créer vous-même.
Là c’est bon, tu le tiens…Et maintenant…Scratches sur la piste, négro !
« Jeune demoiselle cherche une playlist mortelle… »
Parmi les questions que l’on voit passer le plus souvent sur les forums de jeu de rôle concernant l’utilisation de la musique en jeu de rôle, celle qui revient le plus souvent c’est « quels morceaux passez-vous ? ».Loin de moi l’idée saugrenue de vous faire une liste exhaustive (et démodée dans un an pour certains styles de jeux contemporains ou futuristes), mais plutôt de vous citer de grandes familles de jeux de rôles et les grands styles musicaux ou références actuelles, qui pourraient éventuellement se marier avec, histoire de dire : ce serait plutôt ça au niveau de l’ambiance. Rien de plus, et c’est évidemment à relativiser en fonction des circonstances de vos scènes : par exemple, pour un bal de Vampires à Shadowrun (soyons fous), du classique sera de mise, même si j’avais la mauvaise idée de ne pas citer le classique pour ce style de jeu.
Heroic-Fantasy : Alors, l'archétype du style. Il nous faut du grandiose, de l'orchestral, voyez grand, voyez...Du côté des BO comme le Seigneur des Anneaux (1/2/3), Spartacus, Conan le barbare, etc. Toutefois, faites attention à ne pas utiliser les morceaux les plus reconnaissables (lorsque c'est possible). Dans un style proche, voyez Rob roy et autres Braveheart, ainsi que tous les morceaux de musique classique assez "épiques" (et pas trop connus). En dernier lieu, louchez du côté des animes comme Escaflowne (série et film), chroniques de la guerre de Lodoss, etc.
Dark fantasy : Tout ce qui est "heroic fantasy sombre et désespérée" (Elric/Hawkmoon en sont des exemples). Donc mélangez le style du dessus avec des morceaux très spécifiques de gothique orchestral, et des BO comme Van Helsing peuvent vous être utiles. Pensez désespoir et grandeur, et vous trouverez bien quelques morceaux. Comme pour l'horreur contemporaine, gardez deux ou trois pistes 'atmosphèriques' que vous passerez en musique de fond.
Fantastique / Horreur / Gothique Contemporain : Ici les maîtres mots sont 'Dark' et 'lourd', 'répétitif' et 'angoissant'. La musique utilisée comme ambiance de fond sera plus utilisée dans ce type de jeux que dans les autres. BO de films d'horreurs/fantastiques, et tous les morceaux flippants que vous trouverez. Creusez aux alentours de Final Fantasy, Requiem for a Dream, Abyss, et bien sûr les valeurs sûres de Dracula/Psychose/X-files (le film)/Van Helsing, vous déterrerez bien un ou deux cadavres intéressants à animer. Pour le reste, du bon metal atmosphérique fera l'affaire...
Ambiance Cyberpunk / Futuriste/ post apo : Pour l'ambiance cyberpunk/ glauque, nous avons quelques films dignes d'intêrets : Matrix (1,2,3), Johnny mnemonic, Blade runner, strange days, etc. Dans les animes, ils sont prolifiques niveau cyberpunk, nous avons Ghost in the shell, Akira, AD police, Angel cop, cybercity, Armitage, metropolis etc etc. Bref, vous les reconnaitrez facilement, ce sont ces films futuristes désespérés et glauques. Pour l'ambiance musicale pensez hardtech, Goa trance (Juno reactor par exemple) et ambiance 'indus' pesante. Ici n'hésitez pas à rajouter de petits effets spéciaux électroniques pour agrémenter certains moments particuliers (scan palmaires ou rétiniens, etc). Ca fait partie de la bande son, après tout...
Space Opera / Hard science fiction : Je les ai regroupés parce qu'ils ont le même 'thème' (très loin dans le futur), mais pour l'ambiance musicale, ce sera tout à fait différent. Space opera pensez star wars évidemment, mais aussi tous les losts in space et autres 5ème éléments, voire même Starshiptroopers. Au niveau des mangas, voyez avec toute la série des 'Macross', cow boy bebop (assez particulier quand même).Evitez les star treks, à part les moins connus...Ca pourrait être trop connu. Pour la hard science, voyagez en direction des Aliens, c'est une valeur sûre, et au niveau des animes rajoutez les Gundam. En tout cas, pour la hard science, voyez plus "mécanisé" que dans le space opera.
Je m'arrête là. Il serait impossible de ne pas en manquer, et de toute façon, vous finirez cette lecture en disant : moi j'aurais pas mis ça ici, j'aurais plutôt mis ça là, et j'aurais rajouté ça...Et c'est tant mieux, ça veux dire que vous avez votre avis sur la question. Pour approfondir le sujet, n'hésitez pas à aller visiter les forums sur vos jeux de rôles favoris, ni a poser des questions là dessus. La maîtrise ultime, c'est savoir qu'on est meilleurs en groupe.
Respect, cousin, comment tu gères grave…
«…Don’t know who you are, but you must be some kind of superstar… »
Dernier conseil : Variez, variez, variez…Faites découvrir ainsi à vos joueurs des situations inédites avec des morceaux qui ne le seront pas moins. Oui, ce conseil c’est encore plus de travail pour la superstar du mastering que vous êtes. Mais c’est comme cela que vous vous en sortirez avec « maestria », la platine à la main, sous un tonnerre d’applaudissement de pjs survoltés.
Bobba, turn off the past, turn on the future...