Ca doit faire une dizaine d'années que tout est fini. Aujourd'hui j'ai le temps de vous raconter la suite. Bien installé chez moi, auprès du feu et de ma famille, je peux me laisser aller à vous narrer ce que j’ai fait en quittant l’équipage de la « Maria Joanna », après les quelques années d’aventure que nous avons vécu.

Evidemment, ce n'est plus la grande épopée d'un groupe d'aventuriers chassant le chaos partout où qu'ils le rencontrent. Non, tout cela, l'époque ou je me lançais de tous cotés, c'est terminé ! Et si je dis 'je', c'est bien parce que désormais, le nous n'est plus la réalité. Mais j’y reviendrai un peu plus tard.

Je crois que ce qui a changé radicalement ma façon de voir le monde, quand j'y repense, c'est le culte des Anciens Dieux. Vous vous souvenez de Bolsgograd ? Des zombies, du temple en haut de la ville qui avait mauvaise réputation dans le groupe, ou Erefné nous a finalement traînés, presque de force au début, pour que les mutations qui nous avaient été données à la libération du marteau de Zigmar soient effacées. Mon seul espoir à ce moment là, de retrouver une main, et de continuer à me servir d'un arc. Au début je doutais, je n'étais pas sur, mais puisque c'était le seul moyen à ma portée, j'ai finalement fini par me laisser convaincre, comme d'autres membres du groupe, pour d'autres raisons.

Cela a pris quelques temps pour résorber les marques du chaos qui apparaissaient sur mon bras, mais bien plus que cela, sont parties avec ces marques les brumes qui tourmentaient mon âme, et, dans les semaines qui ont suivi mon initiation, j'ai changé. En mieux, sans aucun doute.

Quand la grande bataille d’Altdorf fut terminée, et que le dernier des démons eut été mis à bas, quand Heinrich eut pris définitivement la suite de l'Empereur sans que personne ne put venir lui disputer le trône, quand, enfin, les fidèles de Zigmar et d’Ullrich furent réconciliés, nous nous sommes regardés, et tous, nous avons compris que l'unité du groupe n'y survivrait pas.

Il y avait déjà quelques tensions qui étaient apparues au temple des Anciens Dieux, pas grand chose, certes, mais assez pour que chacun choisisse une voie sans consulter les autres. Enfin, de mon coté, je ne les pas consultés : Josep avait refusé l'initiation, Bénélis aussi, d'où ma réticence grandissante à continuer à les fréquenter. Josep m'avait beaucoup déçu. Répurgateur et marqué par le chaos, ça n'allait pas. Ca n'allait plus. Avant, je n'en aurais pas pris conscience, mais là, ça m'a frappé des que nous avons quitté le temple. Même si je suis resté fidèle à notre amitié, même si je ne les ai pas dénoncés, ma confiance en eux a beaucoup diminué suite à cette aventure.

Puis le temps de choisir une voie fut venu, alors je décidai de remonter dans le nord, dans un endroit ou je m'étais vraiment senti chez moi quelques temps : A Middenheim, aux armes du Templiers. Le retour fut aisé. L'Empire sortait de guerre, je m'attendais à rencontrer des pillards, des brigands, des mercenaires qui erraient, mais j'avais besoin de tranquillité, et je sus rester discret en évitant les grandes routes commerciales. J'arrivais tard, un soir d'hiver, devant les ponts de la cité du Loup blanc.

Certes, à l'auberge les premiers temps furent durs, il me fallut me faire accepter, mais je réussis à convaincre la patronne de me céder la place, sans violence, ce qui prouvait bien, s'il le fallait, que quelque chose avait changé en moi.

J'avais un projet pour cet endroit, et pouvais le mettre à exécution grâce à l'or que nous avait donné le jeune Empereur, en raison des services rendus à la couronne. Je n'avais même pas bataillé auprès de Sarfath pour récupérer une partie de l'or du groupe. « Une partie de l'or qu'elle s'acharnait à considérer comme le sien, et non comme celui du groupe », avais-je souvent pensé. Mais... Cela n'a plus d'importance aujourd'hui.

La première année où je repris les "Armes du Templier", je perfectionnais son service en engageant du personnel, regrettant de ne pouvoir assumer la charge de la cuisine, car j'avais également accepté la charge de grand Veneur auprès du nouveau Graff, ce qui me permit de rentrer dans ses bonnes grâces. Il faut dire qu’avec une recommandation de l'empereur, on entre facilement un peu partout.

Partagé entre la cour et mon occupation de restaurateur, un statut précaire, car à mi-chemin entre le commerçant bourgeois et le noble de basse extraction, je réussis à imposer l'auberge comme le lieu de rencontre de Middenheim, et à conserver une bonne image auprès de mon Graff. Khorint, qui était alors champion du Graff, m'aida beaucoup en fréquentant l'auberge, et en y amenant une bonne partie de la garde, dont les maréchaux, qui assurèrent une réputation d'endroit 'sur'. L'affaire était bien partie.

Je pensais un temps me reposer sur cette affaire, et repartir en vadrouille, mais la venue d'Erefné un soir de printemps m'offrit une chance de réaliser un plus grand projet, un projet auquel nous avions pensé tous les deux quelques années auparavant, de transformer les caves de l'auberge en un lieu de rencontre pour les magiciens, un lieu discret et offert aux érudits, pour partager leur savoir et se reposer devant un bon feu. J'espérais qu'Erefné serait enthousiaste, car son statut de maître de l'école de magie d'Altdorf permettrait une fréquentation importante de la part de ses collègues.

Les travaux prirent presque une année, il fallait se cacher, user de magie pour arriver à modeler le sous-sol sans que cela se voit, et durant cette année, Erefné et quelques de ses étudiants ne ménagèrent pas leur peine. Divers arrangements furent conclus avec le Graff en personne, des sorties discrètes furent ménagées, et au final, le résultat fut éblouissant. Je me rappelle d’une expédition sous le sémaphore, qui nous aida à remplir la bibliothèque de quelques volumes. Le secret bien gardé, les « Armes du Templiers » devinrent une lieu de rendez-vous, même si, au fond, les magiciens n’étant plus pourchassés à Middenheim, l’utilité du lieu était parfois discutable. Cela permit quand même de conserver des liens avec Erefné, qui passait de temps à autre prendre des nouvelles et en apporter.

Les « Armes du Templier n’ont pas trop évolué depuis. La famille du patron s’est agrandie, puisque maintenant j’ai assuré ma descendance. Je ne dis pas que je mange tous les soirs avec le Graff, mais de temps à autre, dans une arrière salle de l'auberge, il m'arrive de passer de bons moments à discuter avec le champion et son suzerain, voire de les prévenir de ce que mes oreilles ont pu entendre à droite ou à gauche.

Voilà, dix ans ont passé, je n'ai plus de nouvelles de Josep, ni de Sarfath. J'ai appris que Bénelis était devenue Grande prêtresse de Véréna, Erefné maître de l'école de magie d'Altdorf, et que Khorint continue de vadrouiller de temps à autre dans l'empire pour combattre le mal. Je ne sais pas non plus ce qu’il est advenu de Gadoum.

De mon coté, je fais doucement sauter mon dernier-né sur mes genoux, je regarde celle qui est devenue ma femme, et aujourd'hui, je n'ai aucun remords, ni regrets. Je suis libre, heureux et ma vie est entre mes mains.

Puisse l'Empire continuer à prospérer par et pour ma descendance aussi longtemps qu’il survivra !

Heinrich de Volgenstadt. // Middenheim

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